Les angles morts du Conseil fédéral
A mi-juillet, la Suisse présentera son rapport d’avancement pour l’Agenda 2030 de développement durable devant l’ONU à New York. Le Conseil fédéral a approuvé ce rapport aujourd’hui. Certes, il identifie des progrès et des défis pour chacun des 17 objectifs de développement durable (ODD). Mais il ne voit pas les impératifs principaux. Il manque en outre une énumération claire de ce qui est à faire dans les huit ans qui restent. Fin juin, la Plateforme suisse Agenda 2030 publiera un rapport de la société civile, qui éclairera des angles morts de la conduite du Conseil fédéral.
Pour la Plateforme Agenda 2030 – coalition rassemblant plus de 50 organisations actives pour l’environnement, la coopération internationale, les droits de l’homme, l’économie durable, le genre, la paix, le logement et le travail – le rapport du Conseil fédéral élude les défis centraux de durabilité posés au pays. Il reconnaît certes qu’une mauvaise direction est prise dans plusieurs domaines. Ainsi, la pauvreté en Suisse a augmenté depuis 2014, passant de 6,6% à 8,5% de la population. Plus de 30% des espèces animales et végétales sont menacées sur notre territoire. Le Conseil fédéral constate lui-même que les moyens et les mesures existants ne suffisent pas à protéger la biodiversité efficacement.
Mais il passe sous silence des chantiers essentiels. Ainsi, il ne dit pas un mot de l’empreinte causée par notre consommation sur les eaux à l’étranger. Il réduit l’infrastructure durable à la construction d’infrastructures résistantes et préfère taire les accessibilités lacunaires aux bâtiments et aux installations.
Le rapport du Conseil fédéral mesure les progrès réalisés par rapport aux objectifs qu’il a lui-même fixés. Ceux-ci sont souvent beaucoup moins ambitieux que les 17 ODD et leurs cibles, pour lesquels la Suisse s’était engagée en 2015 avec 192 Etats. De plus, la présentation des indicateurs choisie ne permet qu’une évaluation positive ou négative, sans indiquer à quel point nous sommes éloignés de l’objectif. L’indicateur de l’empreinte matérielle, par exemple, nous place sur la bonne voie. Pourtant, celle-ci n’a été réduite que de 8% en 20 ans!
Pour atteindre les 17 objectifs, il est nécessaire de faire clairement converger tous les champs politiques vers l’Agenda 2030. Nous demandons des stratégies et des mesures pour s’attaquer vite aux déficits identifiés. Il faut notamment une stratégie qui décrive comment réduire la pauvreté de moitié en huit ans dans le pays. De même, un plan d’action ambitieux pour la biodiversité devra contenir des mesures efficaces et mettre à disposition des moyens suffisants, pour stopper la perte de biodiversité d’ici 2030. Il s’agit aussi d’imposer des directives au marché financier afin que les investissements préservent le climat – comme de renforcer l’engagement contre la militarisation et pour la promotion civile de la paix.
La Plateforme Agenda 2030 élabore à cette fin un rapport de la société civile, qui sera publié fin juin.
Eva Schmassmann
Plateforme Agenda 2030
Pierre Zwahlen
Président Plateforme Agenda 2030
Liens
Consultez le rapport de la société civile de 2018: La suisse a-t-elle un développement durable?