Des pistes pour l’alimentation de demain
Lors du Sommet Suisse sur le Système Alimentaire organisé début février 2023 à Berne, la science et une assemblée citoyenne ont présenté les mesures qu’elles préconisent pour parvenir à un système alimentaire durable. Ces mesures concrètes montrent ce qui est acceptable pour une majorité d’une population informée. Et quel est le potentiel des formes de participation innovantes, inclusives et basées sur le dialogue.
En Suisse, la politique agricole semblait être au point mort. Après des initiatives populaires controversées et l’échec de la nouvelle politique agricole devant le Parlement, l’impulsion pour une nouvelle politique alimentaire vient de la société civile et de la science. Lors du premier Sommet Suisse sur le Système Alimentaire, l’une et l’autre ont formulé des propositions qui tracent des pistes vers un avenir alimentaire durable.
L’accent a été consciemment déplacé de l’agriculture vers les systèmes alimentaires. Les agricultrices et agriculteurs ne sont en effet pas les seuls à devoir prendre soin du sol, de l’eau et de l’air : tous les acteurs, de la mise en culture à la consommation en passant par la transformation et la distribution, sont appelés à agir.
Les éléments d’une politique alimentaire durable sont clairs depuis longtemps : la consommation de viande, de produits laitiers et de sucre doit être réduite de moitié au moins afin de préserver la santé de l’humanité et de la planète. De même, nous ne pouvons plus nous permettre le gaspillage de près d’un tiers des aliments (food waste).
L’assemblée citoyenne au banc d’essai
D’autres solutions proposées polarisent davantage. Comment réussir à mettre en place des processus de décision démocratiques et inclusifs dans un délai raisonnable, vu l’urgence de la situation ? Avec l’Assemblée Citoyenne pour une Politique Alimentaire, un projet de la société civile montre de manière innovante comment remédier à une situation bloquée. 85 personnes résidant en Suisse, représentatives de la population suisse, se sont réunies à 11 reprises en l’espace de six mois pour discuter d’une politique alimentaire globale pour la Suisse. Le processus met en évidence des recommandations susceptibles de réunir une majorité au sein d’une population informée.
En parallèle, un comité scientifique a identifié les mesures les plus urgentes et cherché à savoir quels leviers devaient être actionnés pour atteindre les objectifs sociaux. Les recommandations issues des deux processus présentent un fort degré de concordance. Elles ne sont pas dictées par des intérêts politiques partisans, mais se fondent sur des faits et sur une discussion approfondie avec d’autres groupes d’intérêts dans un espace protégé.
Aborder la transformation de manière globale
Les discussions et les contributions au Sommet sur le Système Alimentaire signalent sans équivoque qu’il est nécessaire d’avoir une vision globale de la politique alimentaire. Les mesures individuelles font des perdants et des gagnants. Une transformation équitable doit réussir, dans le cadre d’un paquet global, à offrir des perspectives aux perdants potentiels, afin qu’ils puissent eux aussi envisager un avenir riche de sens. Par exemple, la réduction de moitié de la consommation de viande menace les agricultrices et agriculteurs qui ont fondé leur existence sur la production carnée. Comment forger des perspectives assurant des revenus ? Quel rôle joueront-elles dans le système alimentaire de demain ?
Des systèmes alimentaires équitables doivent aussi tenir compte des répercussions au-delà des frontières nationales. Ainsi, près de 800 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, et 800 millions d’autres sont mal nourries, ce qui signifie qu’elles peuvent certes couvrir leurs besoins en calories, mais pas ceux en nutriments essentiels. Une politique alimentaire mondiale reflète le rôle de la Suisse et les répercussions de nos actions et de notre consommation à l’étranger.
La balle est désormais dans le camp des politiques
Le Sommet sur le Système Alimentaire a été l’occasion pour les représentantes et représentants de l’Assemblée citoyenne et du comité scientifique de remettre leurs recommandations au conseiller fédéral Guy Parmelin et aux partis représentés au Parlement. La balle est désormais dans le camp des politiques institutionnels. À eux d’élaborer une nouvelle politique alimentaire ambitieuse. L’unanimité régnait sur le fait qu’il est impensable de continuer comme nous l’avons fait jusqu’ici. Plus vite nous agirons, mieux cela vaudra. Négocier avec les limites de la planète et les points de bascule négatifs en matière de climat ou de biodiversité est exclu. À nous d’engager la transformation. Sans plus attendre.
La plateforme Agenda 2030 et Alliance Sud ont représenté la thématique de la justice mondiale dans le processus.
Eva Schmassmann
Plateforme Agenda 2030
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Informations sur le Sommet sur le Système Alimentaire, recommandations de l’Assemblée citoyenne et du comité scientifique
L’essentiel : Agenda 2030 et systèmes alimentaires