Des quartiers durables sont indissociables d’une démocratie vivante

27. Avr 2020 | Non classifié(e)

Entretien avec Rebecca Joly, Association suisse des locataires ASLOCA

Quels sont les effets du Covid-19 sur le développement durable? Notre Plateforme Agenda 2030 mène une série d’entretiens avec des spécialistes de nos organisations membres.

Près de cinq millions de locataires sont en Suisse semi-confinés, contraints par la crise sanitaire. Que peut-on en redouter?

En raison de loyers trop élevés, beaucoup de gens, de familles se serrent dans des appartements étroits. Plus les semaines passent, plus s’accroissent les risques de dépression, de difficultés psychologiques. Il faudra prendre garde à long terme aux effets de la pandémie sur la santé mentale. En matière de bail, le Conseil fédéral s’est contenté de prolonger de 30 à 90 jours le délai de congé, après mise en demeure pour loyer non payé pour les locataires directement touchés par la crise, soit en priorité les locataires commerciaux. Or des milliers de restaurants et petits commerces ont perdu la plupart de leurs revenus dès la mi-mars, en raison de la fermeture obligatoire des commerces en particulier. L’ASLOCA Suisse est aussitôt intervenue, pour que les bailleurs et la confédération prennent en charge la grande part des loyers de baux commerciaux durant la crise sanitaire. Les premiers pourparlers ont malheureusement échoué avec les représentants immobiliers. Aujourd’hui, nous demandons au conseiller fédéral Guy Parmelin, chargé du logement, de réunir les partenaires en cercle restreint et de répondre aux préoccupations que portent aussi les commissions de l’économie des deux Chambres. Des solutions se dessinent dans certains cantons, qui pourraient inspirer la Confédération, mais il est important de garantir l’égalité de traitement entre les locataires de tout le pays.

La première cible de l’objectif en faveur de villes durables prévoit d’assurer l’accès de toutes et tous à un logement et des services de base adéquats et sûrs, à un coût abordable d’ici à 2030. Comment y parvenir?

Le défi est gigantesque à l’échelle du monde. En Suisse, la propriété des immeubles d’habitation est privée la plupart du temps, livrée toujours davantage à des sociétés immobilières appâtées par le profit. Encourager les logements d’utilité publique fournit à terme des loyers à la portée des revenus faibles et moyens. Le 9 février dernier, près de 43% des votantes et votants ont soutenu notre initiative et des solutions qui soustraient l’habitat à la spéculation. Cela devrait inciter des communes et cantons à agir.

Les villes ont fortement soutenu l’initiative pour davantage de logements abordables, lors de la votation du 9 février. L’habitat sera-t-il durable aussi, une fois le virus maîtrisé?

Bien des projets sont gelés par la pandémie. Après la crise, il importera que les subsides et investissements publics n’oublient pas les coopératives, qui mettent à disposition des appartements à loyer vraiment modéré. Les quartiers durables cachent parfois du greenwashing ou ne regroupent que des gens à situation confortable. Ils doivent mêler au contraire les catégories sociales et les générations les plus variées. Les maîtres d’ouvrage d’utilité publique innovent souvent en termes d’efficacité énergétique, de recours aux énergies renouvelables, de circuits courts comme de soin aux espaces largement arborisés. Les habitantes et habitants concernés doivent pouvoir prendre part à la conception des logements, avant leur construction déjà. La durabilité implique aussi une démocratie locale vivante.

Interview menée par Pierre Zwahlen

Rebecca Joly

secrétaire générale adjointe, Association suisse des locataires ASLOCA

Tags

, , , ,