Le monde lutte pour un nouveau pacte d’avenir

29. Fév 2024 | actualité, institutions, cohérence des politiques, ressources

En septembre prochain, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, invite au Sommet de l’avenir (Summit of the Future) à New York. Après avoir constaté l’année dernière, à mi-parcours, que le monde n’était pas sur la bonne voie pour atteindre les ODD et donc l’Agenda 2030, il veut résolument changer de direction. Le Pacte pour l’avenir (Pact for the Future) est en cours de négociation à l’ONU. A-t-il le mordant nécessaire pour remettre l’Agenda 2030 sur les rails ?

Le sommet de l’ONU de l’année dernière a dressé un tableau sombre de la situation : seuls 12% des indicateurs sont « on track », ce qui veut dire que si la mise en œuvre des ODD progresse comme prévu et la tendance se poursuit, les objectifs correspondants seront atteints. Pour 50% des indicateurs, l’évolution va certes dans la bonne direction, mais trop lentement. 30% des indicateurs ne montrent aucun progrès ou enregistrent même des reculs. Afin de redresser la barre et de remettre les ODD sur les rails, António Guterres invite à un sommet sur l’avenir, qui aura lieu en septembre à New York.

La tâche n’est pas facile. Au cours des huit dernières années, les politiciens nationalistes et populistes ont gagné du terrain. Les efforts multilatéraux, qui permettent une approche commune et largement soutenue au niveau international, ont du mal à voir le jour. Les préparatifs du Pacte pour l’avenir, qui doit être adopté par tous les pays lors du Sommet de l’avenir, en témoignent. Jusqu’à fin 2023, les États participants n’ont pu se mettre d’accord que sur les titres des chapitres du pacte. Celui-ci abordera les thèmes suivants : 1) développement durable et financement du développement, 2) paix et sécurité internationales, 3) science, technologie et innovation et coopération numérique, 4) jeunesse et générations futures, 5) transformation de la gouvernance mondiale.

Fin janvier, l’Allemagne et la Namibie, qui dirigent les négociations, ont publié une première ébauche du pacte. Sur 20 pages, les promesses sont renouvelées, confirmées et renforcées. Ces affirmations sont parfois très pertinentes, par exemple lorsqu’il est confirmé que les ODD se fondent sur des traités contraignants en matière de droits humains. Ou lorsqu’il est affirmé que nous sommes responsables des conséquences de nos actes, mais aussi de notre inaction sur les générations futures.

Inégalité et innovation sociale

Du point de vue de la Plateforme, il manque deux points importants : tout d’abord, trop peu d’attention est accordée à l’augmentation des inégalités. Le pacte aborde notamment la crise climatique et la crise de la biodiversité, qui représentent des menaces existentielles pour l’avenir des habitants de notre planète. Mais l’augmentation des inégalités a également le potentiel de détruire la confiance dans la société et la démocratie. Et donc la base de sociétés inclusives et durables.

Deuxièmement, le projet est imprégné d’un optimisme technologique qui voit la réalisation des objectifs avant tout dans l’innovation technologique. Cette vision unilatérale de la technologie sous-estime le potentiel qui réside dans l’innovation sociale. Au lieu de chercher le salut de l’humanité dans les nouvelles technologies et l’espace, la recherche et les investissements devraient être beaucoup plus orientés vers le changement des modes de vie non durables. Avec pour objectif de réduire la surexploitation des ressources dans nos sociétés. Il convient également de procéder à des évaluations sérieuses des conséquences des nouvelles technologies, par exemple du potentiel de l’espace évoqué dans le pacte, et d’agir conformément au principe de précaution.

António Guterres et les responsables des négociations ont bien compris le défi : un autre document avec des promesses vides, non suivies d’actes, affaiblira la confiance dans l’ONU et les processus multilatéraux. L’introduction aborde d’ailleurs ouvertement ce point : avec ce pacte, la communauté internationale veut regagner la confiance. Guterres ose l’exercice d’équilibre. Car pour de nombreuses actions concrètes, l’ONU dépend de ses Etats membres. Ainsi, les pays riches comme la Suisse doivent enfin tenir leurs promesses d’allouer 0,7% de leur performance économique à la coopération au développement et de mettre à disposition des fonds climatiques et des fonds pour la protection internationale de la biodiversité à partir de sources nouvelles et supplémentaires. Ils doivent fixer des règles claires en matière de responsabilité des entreprises et entreprendre les réformes nécessaires pour des politiques fiscales et commerciales équitables. Et créer ainsi la base pour que les pays du Sud disposent de suffisamment de recettes publiques et de la marge de manœuvre nécessaire pour mettre en œuvre les ODD.

«Un pays, un vote»

En tant que plateforme de la société civile, nous nous engageons à faire avancer les changements nécessaires en Suisse. Nous renforçons les acteurs de la société civile dans les pays du Sud qui s’engagent pour la mise en œuvre des ODD chez eux et qui demandent à leur gouvernement de prendre ses responsabilités. Et avec d’autres réseaux de la société civile, nous nous engageons au niveau international pour renforcer l’ONU en tant qu’acteur du développement durable et pour trouver des solutions multilatérales. Par rapport à l’OCDE ou aux institutions de Bretton Woods, l’ONU offre un cadre mondial dans lequel chaque pays est représenté et participe aux décisions selon le principe démocratique « un pays, une voix ».

Eva Schmassmann

Plateforme Agenda 2030

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