Les solutions en ligne ne doivent pas aggraver la fracture numérique

29. Avr 2020 | contribution externe

Interview avec Amélie Vallotton, Bibliosuisse

Quels sont les effets du Covid-19 sur le développement durable? Notre Plateforme Agenda 2030 mène une série d’entretiens avec des spécialistes de nos organisations membres.

 

Les Bibliothèques offrent des services souvent méconnus. Elles donnent ainsi des contributions importantes au développement soutenable. Tu peux nous donner des exemples?

La mission de base de toutes les bibliothèques, à savoir donner accès à l’information à tou.te.s sans discrimination, est en soi une contribution au développement durable, en Suisse aussi (ODD 16.10). De façon intuitive, chacun comprend que l’accès à l’information est indispensable pour la qualité de l’éducation et de la recherche, mais aussi pour une participation citoyenne informée, etc. Dans d’autres domaines, le lien à l’information est moins directement visible, et le rôle des bibliothèques méconnu.

Chaque bibliothèque s’adresse à un public déterminé (académique, municipal, spécialisé dans tel ou tel domaine) et développe des offres en prêtant une attention particulière aux populations qui présentent des besoins spécifiques, afin d’éviter les discriminations. Ce faisant, elles contribuent au maintien du lien social et à l’inclusion de tou.te.s dans la société, par exemple :

  • pour les personnes présentant diverses vulnérabilités en regard de la numérisation (jeunes, personnes âgées, handicapées, marginalisées, hors du circuit professionnel, étudiants paupérisés, …), les bibliothèques offrent des ateliers spécifiques de formation au numérique, au tri des informations, à l’identification des fake news, un accès à du matériel informatique, à des contenus numériques payants de qualité, ainsi qu’un soutien professionnel à la recherche documentaire ;
  • pour un public de migrants, l’utilisation du matériel informatique connecté et à de la documentation en langue d’origine, mis à disposition par les bibliothèques, est indispensable au maintien du lien avec le pays d’origine ; d’autre part, l’acquisition de la langue locale, la rencontre avec des personnes indigènes et l’orientation de base dans le nouveau contexte sont d’autres besoins essentiels auxquels les bibliothèques répondent en offrant un accueil, des documents, des ateliers ou des animations ciblés.

À cause de la pandémie de Coronavirus les bibliothèques ont dû fermer. Comment gèrent-elles cette situation? Qui sont les personnes les plus frappées par ces fermetures?

Les bibliothèques suisses ont répondu de façon différenciée à la crise sanitaire. Elles évoluent toutes dans un contexte spécifique. D’abord, elles sont soumises aux décisions de leur canton ou de leur commune, qui ont présenté des différences culturelles dans l’interprétation des injonctions fédérales. Ensuite, « les bibliothèques » sont dans le détail des institutions très diverses, avec des publics aux besoins spécifiques et des infrastructures et des budgets quasiment incomparables. Dans une telle crise, on ne peut pas comparer la réaction d’une bibliothèque académique et celle d’une bibliothèque communale, parfois dirigée et servie par une seule personne.

Dans tous les cas, il a fallu répondre aux besoins contradictoires de protéger la santé des usagers et du personnel d’une part et de maintenir l’accès à l’information d’autre part. Les bibliothèques académiques ont très vite mis en place des services numériques performants, alors que les bibliothèques municipales ont offert des services mixtes, selon les circonstances dictées par leur contexte (livraisons à domicile, e-books, etc).

On a constaté dans tous les domaines un repli vers le numérique. Dans l’urgence, les bibliothèques se sont aussi et légitimement appuyées sur cette solution. Mais si la situation devait se prolonger, c’est un défi auquel les bibliothèques devront répondre de façon convaincante : il est impensable de laisser la fracture numérique s’aggraver en raison de cette crise.

Qu’est-ce qu’il faut pour que les bibliothèques puissent reprendre leur rôle au mieux?

Les bibliothèques doivent pouvoir compter sur des directives claires pour leur réouverture (Bibliosuisse y travaille en collaboration étroite avec l’OFSP) et devront développer des réponses concrètes pour répondre aux besoins spécifiques des personnes rendues encore plus sujettes à l’exclusion en raison de la crise sanitaire.

Interview conduite par Mario Huber.

Source photo: Bobo11 / CC BY-SA (coupée, brouillé)

Amélie Vallotton

Co-présidente de la Commission Biblio2030 et vice-présidente de Bibliosuisse

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