Travailleurs migrants – victimes oubliées de la pandémie de coronavirus
Quels sont les effets du Covid-19 sur le développement durable ? La Plateforme Agenda 2030 mène une série d’entretiens avec des spécialistes de nos organisations membres.
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), quelque 150 millions de personnes travaillent hors de leur propre pays. La fermeture des frontières et le confinement frappent particulièrement ces travailleuses et travailleurs migrants. Quels problèmes doivent-ils affronter ?
Les travailleuses et travailleurs migrant.e.s se retrouvent souvent dans des emplois informels, peu qualifiés et précaires. C’est le cas notamment dans l’agriculture, la construction de bâtiments et le travail domestique. Beaucoup n’ont aucune protection juridique, tombent aux mains d’agences de placement sans scrupules, sont exploités comme personnel de maison ou encore sont victimes d’abus, de traite d’êtres humains et de réseaux de prostitution. Le confinement a encore aggravé leur situation : ils sont les premiers à perdre leur emploi et ne sont plus en mesure de subvenir aux besoins de leurs familles restées dans les pays d’origine. Et quand ils peuvent quand même encore travailler, c’est généralement sans équipement de protection ni mesures de sécurité. Ils n’ont pas d’autre choix que de vivre dans des logements surpeuplés ne permettant pas de respecter les règles d’hygiène et de distance. Le plus souvent, les personnes qui ont perdu leur emploi ne peuvent pas repartir chez elles en raison de la fermeture des frontières. Et si elles y parviennent, elles redoutent de rencontrer de la méfiance et de l’hostilité en étant considérées comme porteuses potentielles du coronavirus.
Que peut apporter Helvetas dans cette situation de crise ?
Pour que les travailleuses et travailleurs migrant.e.s puissent à nouveau contribuer à un développement positif de leur famille et de leur pays, ils ont besoin de soutien de toute urgence. C’est pourquoi Helvetas s’engage notamment pour mettre en place des centres de quarantaine accueillant des travailleuses et travailleurs migrant.e.s de retour et pour fournir aux personnes particulièrement vulnérables des produits alimentaires de première nécessité ainsi que de l’aide financière avec des versements par téléphone mobile. Au Bangladesh, Helvetas soutient les familles de travailleuses et travailleurs migrant.e.s. Au Népal, dans le cadre d’un projet de la DDC, elle accompagne les travailleuses et travailleurs migrant.e.s par des mesures pratiques et un appui psychosocial. Au Népal, dans le cadre d’un projet de la DDC, Helvetas leur fournit des informations actualisées et permet aux familles restées dans les pays d’origine de demander une aide psychologique. Au Myanmar, les travailleuses et travailleurs migrant.e.s qui reviennent de Thaïlande reçoivent du matériel de désinfection, des masques faciaux et des filtres pour rendre l’eau potable pendant leur quarantaine passée dans des centres organisés à cette fin. En outre, leurs familles reçoivent momentanément de l’argent liquide pour acheter des produits alimentaires.
L’Agenda 2030 vise une migration ordonnée et sans danger (ODD 10.7) et un travail décent pour tous (ODD 8). Que faut-il pour parvenir à atteindre ces objectifs ?
La migration de main-d’œuvre est un pilier de l’économie et de la société mondialisées. De nombreuses économies nationales dépendent du travail des migrantes et des migrants. Mais cette dimension centrale ne se reflète nullement dans leur situation professionnelle, comme le démontre une fois de plus la pandémie de coronavirus. Depuis des décennies, l’OIT exige l’application de conditions de travail décentes. Il s’agit notamment d’une convention contractuelle fixant les conditions de travail et comprenant des dispositions garantissant le logement, un revenu approprié, la sécurité au travail et la protection sociale des familles. Le programme de migration équitable de l’OIT a pour objectif le respect des droits fondamentaux des travailleuses et travailleurs migrant.e.s et le partage équitable de la prospérité qu’ils contribuent à créer. Il faut une politique qui prenne en compte tout autant les intérêts des pays d’origine et de destination, des migrantes et des migrants et ceux des employeurs. C’est aussi ce que vise le Pacte mondial sur les migrations de l’ONU, que la Suisse est l’un des rares pays à ne pas avoir encore signé. Les conséquences de la crise de coronavirus révèlent l’urgence de faire avancer ces engagements internationaux.
Plus d’informations en ligne sur la page d’Helvetas «Coronavirus»
Interview conduite par Eva Schmassmann.
Chargé de communication politique chez Helvetas